Dr Yempabou Sagna « Ce n’est pas le sucre qui cause le diabète… »

Publié le par Gaspard BAYALA

La Journée mondiale du Diabète est organisée chaque 14 novembre depuis sa création en 1991. C’est le symbole d’une mobilisation collective dont l’objectif est de mieux faire connaître le diabète, sa prise en charge et surtout les moyens de le prévenir. Pour le 14 novembre 2018, nous avons rencontré Dr Yempabou Sagna, médecin endocrinologue au service de médecine interne du CHU-YO pour parler de cette maladie chronique.

 

Gaspard Bayala (G.B) : Comment définit-on le diabète ?

Yempabou Sagna (Y.S) : Le diabète est un ensemble de maladies qui ont en commun une augmentation du taux de sucre de façon permanente dans le sang.

G.B : Il est courant d’entendre parler de diabète de type 1, type 2 et gestationnel ? Expliquez ces trois notions et leur différence ?

Y.S : Il y a en réalité quatre types de diabète. Le type 1, 2, le diabète gestationnel et un autre groupe de diabète que l’on a regroupé dans autres types de diabètes. La différence est que le type 1 concerne surtout les enfants ou les personnes âgées de moins de 30-35 ans. Le type 2 est le plus fréquent qui atteint plus de 90% des diabètes. Ce type concerne les personnes de plus de 40 ans et fréquemment obèses. Le diabète gestationnel est lorsqu’une femme qui n’était pas connue diabétique tombe enceinte, l’on fait une glycémie et l’on diagnostique un diabète pour la première fois pendant qu’elle est enceinte. Le dernier groupe appelé autres types spécifiques de diabète est un groupe où il y a plusieurs causes et en général le diagnostic ne peut se faire qu’en milieu spécialisé. C’est un type assez rare, environ 1% des types des diabètes. Parce que c’est un groupe que l’on n’a pas pu classer parmi les trois types. Ce sont des diabètes dus aux maladies endocriniennes (dues aux hormones), aux atteintes du pancréas et des diabètes génitaux ou des diabètes néonataux.

G.B : Ces facteurs cités plus haut  sont-ils les causes du diabète de façon spécifique ?

Y.S : Non, ce sont des causes différentes. De façon générale, on devient diabétique pour deux raisons et pour chacune de ces raisons il y a des causes. Dans le ventre, il y a un organe que l’on appelle le pancréas qui permet de normaliser le taux de sucre dans le sang quand on mange. Donc le pancréas secrète l’insuline et cette insuline agit pour normaliser le taux de sucre. On dévient diabétique soit parce que le pancréas ne secrète plus suffisamment d’insuline. Là il y a des causes d’atteinte du pancréas. Elles peuvent être des infections, des traumatismes qui peuvent faire que le pancréas ne secrète plus d’insuline. La deuxième raison est que le pancréas secrète de l’insuline mais qui n’est pas utilisée. Pourtant l’insuline doit être utilisée par les muscles, le foie, le cerveau…Il y a à ce niveau des raisons qui font que cette insuline n’est pas utilisée. La principale raison est l’obésité, la surcharge en graisse.

G.B : L’on entend souvent dire que la consommation excessive du sucre peut causer le diabète, d’autres disent le contraire ?

Y.S : Justement, l’on entend toujours beaucoup de personnes en consultation dire pourtant je ne consomme pas du sucre quand on dit qu’ils sont diabétiques. Ce n’est pas le sucre qui cause le diabète. Le sucre est un facteur mais ce n’est pas lui la cause. Le sucre lorsqu’on le consomme de façon normale il n’y pas de raison que l’on devienne diabétique. C’est parce que dans nos sociétés on en consomme trop. Puisqu’on en consomme trop, on demande un surcroit d’efforts au pancréas pour secréter l’insuline ; c’est un organe qui peut s’épuiser. Autre raison est que le surplus de sucre que nous consommons se stocke dans l’organisme sous forme de graisse. Or, l’une des causes est la graisse qui fait que l’insuline n’est pas utilisée. Donc la survenue du diabète est due à un dysfonctionnement du pancréas.

G.B : Alors quel type de sucre on peut consommer parce qu’on entend parler également de sucre lent et rapide ?

Y.S : Lorsqu’on parle de sucre, quand on entre dans les détails, il y a plusieurs. Mais lorsque je parle de sucre, il s’agit de celui ordinaire (celui de la SOSUCO, le sucre de table par exemple). Il faut préciser que la plus part des aliments que nous consommons contiennent des glucides. Il y en a dans les céréales notamment le tô, le riz, les pâtes et autres comme la moutarde, la mayonnaise. L’eau est la seule boisson dont l’organisme a besoin. Toutes les autres boissons contiennent du sucre ; la bière, le whisky… C’est parce que parfois on en consomme un peu trop. Là aussi c’est le même mécanisme puisque le sucre ira se stocker sous forme d’énergie de graisse et c’est cette graisse qui est à l’origine de l’inefficacité de l’insuline, donc de la survenue du diabète.

G.B : Quelle est la prévalence du diabète au Burkina Faso ?

Y.S : La prévalence est de 4,9% au Burkina Faso. Et lorsqu’on rapporte à la population du Burkina Faso autour de 20 millions d’habitants, on devrait  s’attendre à environ 100.000 personnes souffrant de diabète. Mais nous n’avons pas ce chiffre parce qu’il n’y a pas de diagnostic. Quand l’on prend la plus grande partie des structures de prise en charge du diabète, on n’est même pas à 15000-20000 patients suivis. A Yalgado, nous sommes en train de collecter nos fichiers pour essayer d’estimer le nombre de patients suivis. Mais actuellement nous sommes à plus de 5000 patients.

G.B : Quelle est la catégorie de personnes la plus exposée ?

Y.S : Tout le monde est exposé au diabète mais en fonction du type de diabète, certaines personnes sont plus exposées que d’autres. J’insiste sur le diabète de type 2 parce que c’est plus fréquent ; 90% des cas. En général quand dans la famille d’un sujet il y a des personnes déjà atteintes de diabète, il y a des risques. L’âge est aussi un facteur, l’hypertension et surtout l’obésité. L’obésité est responsable de la moitié des cas du diabète. Ce qui veut dire que si on arrive à lutter contre l’obésité, l’on diminue les cas de diabète de la moitié.

G.B : L’on parle souvent de diabète chez l’enfant ? Cela est dû à quoi ?

Y.S : Chez les enfants, c’est un autre mécanisme. C’est parce que leur pancréas est détruit. Le pancréas est détruit pour des raisons génétiques, environnementales, notamment les petites infections à l’enfance. On qualifie le diabète de l’enfant de diabète auto-humain.

G.B : Quelles sont les symptômes du diabète ?

Y.S : Les principaux symptômes, c’est d’abord l’envie fréquente d’uriner, de boire. L’envie fréquente d’uriner c’est surtout la nuit, lorsque quelqu’un se lève plus de deux fois la nuit pour uriner. Ensuite il y a l’amaigrissement, l’envie de manger tout le temps parce qu’on a faim. Ces signes sont fréquents. Malheureusement, tous les diabétiques n’ont pas ces signes. Chez les enfants par contre, le diabète est presque toujours symptomatique. Ce sont des enfants qui urinent beaucoup ou alors qui urinent au lit la nuit pourtant ils ont dépassé cet âge. Ils ont fréquemment envie de boire. Il y a l’amaigrissement. Ces enfants maigrissent beaucoup et ont tout le temps faim. Le diabète touche les enfants de tout âge parce que le plus jeune que nous avons diagnostiqué était un peu avant sa troisième année.  

G.B : Dans le contexte du Burkina Faso, quelles sont les actions entreprises pour soutenir les malades et sensibiliser les populations ?

Y.S : Au Burkina Faso, dans la plus part des différents services de prise en charge du diabète, nous avons des agents qui aident à l’éducation thérapeutique. En dehors du volet purement médical, on a également certaines associations ; des associations de diabétiques d’une part et d’autres parts, des ONG comme celle Santé-Diabète ou encore le Lions Club qui mène énormément des activités de sensibilisation des populations. D’ailleurs chaque année, ce club commémore la journée mondiale du diabète. Ce sera le lieu pour les populations d’aller faire le dépistage. Et je crois qu’il y a un centre de lutte contre le diabète construit à Ouaga 2000 à l’actif du Lions Club. Particulièrement pour les enfants, le service de médecine interne à travers le Pr Drabo a initié un programme en collaboration avec l’ONG Santé-Diabète par le programme Life for a Child qui permet de prendre en charge tous les enfants diabétiques jusqu’à l’âge de 23 ans en leur fournissant gratuitement l’insuline et des seringues à insuline. A Ouagadougou, nous sommes à une centaine d’enfants pris en charge.

G.B : Quel est le coût de l’insuline ?

Y.S : Il y a deux types d’insulines. Il y a l’insuline rapide et l’insuline lente ou intermédiaire. Celle disponible au Burkina Faso coûte En général 4750 F CFA le flacon. Et la prise dépend de la posologie du patient. Certains patients peuvent faire un mois avec un flacon d’autres pas.

G.B : Est-ce qu’on peut guérir du diabète ?

Y.S : Il y a des causes guérissables. Ces causes entrent dans le cadre des autres types spécifiques de diabète. Lorsque c’est une maladie endocrinienne qui a entrainé le diabète, lorsqu’on guérit la maladie, le diabète également se guérit. Mais la plus part des diabètes, il n’y a pas de médicaments qui permet de guérir. Tous les médicaments peuvent normaliser la glycémie sans pour autant guérir.

G.B : Quelles sont les complications du diabète ?

Y.S : Les complications du diabète sont de deux types, il y a celles aigues qui amène le patient à être hospitalisé parfois dans le coma. Là c’est quand la glycémie s’élève de façon très importante. Pour les patients qui n’ont pas de signes mais qui ont des glycémies élevées, en général les complications interviennent au bout de 5-10 ans. Ces complications dites chroniques c’est au niveau des yeux, des reins et du cœur. Donc il faut se faire dépister parce que le diabète est la principale cause d’insuffisance rénale terminale dans le monde, de cécité et d’atteinte cardiaque.

Interview réalisée par Gaspard BAYALA

gaspardbayala87@gmail.com

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article