Pr Adama Lengani, médecin-néphrologue, à propos de l’insuffisance rénale : « La mortalité dans nos services actuellement est de l’ordre de 16 à 20% »

Publié le par Gaspard BAYALA

Pr Adama Lengani, médecin-néphrologue, à propos de l’insuffisance rénale : « La mortalité dans nos services actuellement est de l’ordre de 16 à 20% »

L’insuffisance rénale ! Une pathologie dont parlent bon nombre de Burkinabè, car cause de plusieurs décès. Même, s’ils connaissent la maladie de par son nom, ils ignorent cependant ses causes et ses manifestations. Dans cet entretien, le médecin-néphrologue, chef du service néphrologie de l’hôpital Yalgado Ouédraogo, vous donne de plus amples informations

Sidwaya (S) : Qu’est-ce que l’insuffisance rénale ?


Adama Lengani (A.L) : L’on peut définir l’insuffisance rénale comme l’incapacité des reins, à éliminer les toxines dans l’organisme et aussi à assurer une certaine constance des liquides et substances qui circulent dans l’organisme. Parce que, ce que l’on mange est utilisé par l’organisme et cela aboutit à des déchets qui doivent être éliminés chaque jour. Et, ces déchets sont éliminés par deux grandes voies : le foie et les reins. Donc, quand les reins n’arrivent plus à assurer cette fonction, on parle d’insuffisance rénale. On distingue l’insuffisance rénale aiguë et l’insuffisance rénale chronique.
L’insuffisance rénale aiguë est un déficit de fonction qui s’installe brutalement. C’est-à-dire dans l’intervalle de quelques heures ou de quelques jours chez un individu qui, apparemment est en bonne santé. Et le plus souvent, c’est la conséquence de plusieurs maladies aiguës.
Dans l’insuffisance rénale aiguë, les reins peuvent être sains, mais ne pas pouvoir fonctionner comme il faut, à cause des conditions de pression sanguine. Dans d’autres cas, c’est le tissu rénal lui-même qui est lésé et qui ne peut plus assurer sa fonction.
L’autre type, c’est l’insuffisance rénale chronique. Dans ce cas, il y a d’abord une maladie rénale chronique qui va s’installer à bas bruit (silencieusement) pendant des mois ou des années et détruire le tissu rénal de manière progressive et aboutir au bout de quelques temps, sinon une dizaine d’années à une diminution de la capacité des reins à éliminer les toxines. Il faut savoir que l’insuffisance rénale aiguë, si les reins ne récupèrent pas leur fonction rénale, évolue vers la chronicité.


S : A quoi est-elle due ?


A.L : L’insuffisance rénale n’est pas considérée comme une maladie en tant que telle. C’est une situation pathologique qui est la résultante de plusieurs maladies. Par exemple, l’insuffisance rénale aiguë peut survenir dans toutes les situations où la pression artérielle diminue comme lors des vomissements et les diarrhées. Quand quelqu’un a perdu du sang ou les brûlés qui perdent de l’eau sans que l’on se rende compte par la peau, l’eau de l’urine diminuera et en ce moment le sang qui arrive aux reins et qui permet aux reins de fonctionner, le rein devient moins perfusé. Un autre exemple, c’est l’infection urinaire. En cas d’infection urinaire, il y a une partie du tissu rénal qui est lésée et empêche les reins de fonctionner normalement. Troisième exemple de grandes causes de l’insuffisance rénale aiguë, ce sont les produits toxiques pour les reins. Il y a des médicaments qui détruisent certaines parties du parenchyme rénal. Une autre cause, c’est l’atteinte des vaisseaux. Une fois que ces vaisseaux sont atteints, les reins ne peuvent plus assurer leur fonction. Je prends le cas du paludisme. Au cours du paludisme, certains malades font une insuffisance rénale aiguë. Cela est dû au fait que les globules rouges éclatent et génèrent des débris dans le sang. Ces substances vont boucher les tubules et générer la circulation à l’intérieur du rein.
Dans l’insuffisance rénale chronique, ce sont habituellement les maladies chroniques qui sont en cause. Ces maladies sont l’hypertension artérielle, le diabète, la goutte, la lithiase, les maladies héréditaires et la pression artérielle. Les maladies glomérulaires sont une atteinte d’une partie du parenchyme que l’on appelle glomérule. Or, les glomérulonéphrites chroniques peuvent être la conséquence d’une infection (angine, des maux de dents, les plaies, une bilharziose, la typhoïde, etc.). Elle peut ne pas survenir immédiatement pendant la maladie. Il y a également des maladies héréditaires qui sont causes d’insuffisance rénale. Au Burkina Faso, par exemple, il y a la polykystose rénale (un peu rare) et la drépanocytose. Les causes les plus fréquentes de l’insuffisance rénale, sont l’hypertension artérielle, le diabète, les infections et les toxiques. Le VIH est une cause fréquente d’atteinte rénale soit par le virus lui-même soit par les infections opportunistes soit aussi par les médicaments qu’ils prennent.


S : D’aucuns pensent que la prise de certains comprimés peut être la cause d’insuffisance rénale. Est-ce que vous confirmez cela ?


A.L : Oui ! Cela est confirmé. Les toxiques peuvent être des médicaments. Les médicaments soignent mais ont des effets secondaires qui ne sont pas anodins. Par exemple la prise prolongée des anti-inflammatoires non stéroïdiens, surtout chez le sujet âgé peut déboucher sur une insuffisance rénale chronique. Il y a d’autres toxiques qui ont été connus avoir causés des cas d’insuffisance rénale chronique dans certains pays du monde. Mais, ils ont été retirés du marché.


S : L’excès des rapports sexuels ?


A.L : Ça n’a pas de rapport avec l’insuffisance rénale. Sauf pour quelqu’un qui a des rapports sexuels fréquents. Cela aussi dépend de la santé de la femme ou du mari. Si la femme n’a pas d’infections urinaires ou d’infections uro-génitales, il n’y a pas de risque. C’est d’ailleurs pourquoi, le diagnostic doit être fait chez les deux et traité en même temps. L’autre cas de figure, c’est le monsieur qui a des rapports sexuels tout-venant et non protégés. Il y a la gonococcie et les autres infections sexuelles qui sont à risque d’atteinte du parenchyme rénal.


S : Quel est l’état des lieux de cette maladie au Burkina Faso ?


A.L : Ce que nous pouvons dire, c’est que la prise en charge est récente (une vingtaine d’années). C’est dans les années 90 que l’activité de néphrologie a commencé. Au début, on avait quelques cas. L’on pense que les cas augmentent en fonction de la croissance de la population, mais parce qu’il y a une offre de soin qui amène les gens à se faire prendre en charge. Sur à peu près 650 malades qui ont été hospitalisés l’année dernière à Yalgado dans le service, environ 3/4 sont dus à une insuffisance rénale aussi bien aigue que chronique.


S : Est-ce que vous enregistré beaucoup de cas de décès ?


A.L : La mortalité est très forte en insuffisance rénale parce qu’une fois que la fonction rénale est atteinte, il n’y a pas de palliatifs. Si le cerveau, le cœur, le foie et les reins sont déficients, il n’y a pas de palliatif. Donc, la mortalité dans nos services actuellement est de l’ordre de 16 à 20%. Ce taux est insignifiant puisqu’il ne concerne ceux qui meurent à l’hôpital et non ceux qui meurent chez eux parce qu’ils n’arrivent plus à se prendre en charge.


S : Quels sont les symptômes de l’insuffisance rénale ?


A.L : En ce qui concerne les symptômes de l’insuffisance rénale, il faut dire que c’est une maladie silencieuse. Pour l’insuffisance rénale chronique, c’est un processus qui est lent. Au moment où la maladie causale va créer les lésions au niveau du parenchyme rénal, il n’y a aucun symptôme. C’est le parenchyme seulement qui est atteint. Mais au bout d’un certain temps, le tissu va exprimer cette lésion par ce que l’on appelle l’albuminurie, la protéinurie ou bien du sang dans les urines. Il y a ensuite la créatinémie et l’urée sanguine. Les symptômes commencent à se manifester lorsque les reins ont perdu 50 à 60% de leur capacité de fonctionnement. En ce moment, on aura la tension qui va commencer à monter, les œdèmes. Ensuite, il y a des nausées, des vomissements, la fatigue, le manque d’entrain et d’appétit.


S : Combien de patients sous traitement actuellement dans votre service?


A.L : Nous avons beaucoup de malades. Dans le service, nous hospitalisons entre 70 et 80 malades par mois. Les ¾ sont liés à une insuffisance rénale à différents degrés. L’insuffisance rénale est stratifiée en fonction de la perte de la fonction rénale. Au stade débutant, la personne ne sent pas grande chose. Ensuite, la maladie va au stade modéré. A ce niveau l’individu a un manque d’appétit, des œdèmes et la tension qui va monter. Quand elle devient sévère, il y a beaucoup plus d’œdèmes, d’anémies et le manque d’entrain. Au dernier stade, la fonction rénale ne permet plus d’assurer la vie et les signes sont non seulement nombreux, mais graves.


S : Quelles sont les personnes à risque ?


A.L : Les personnes exposées sont les hypertendus, les diabétiques, les gens qui font les infections à répétition et les personnes âgées.


S : Quelle est la tranche d’âge concerné ?


A.L : Il n’y a pas de tranche d’âge en tant que telle qui soit épargnée. Le risque est pour tout le monde. Ce sont les maladies en cause qui diffèrent. Par exemple, chez les nourrissons, ce sont les maladies avec lesquelles ils naissent ainsi que les infections. Des enfants qui ont des maladies héréditaires évoluent à l’âge de 14 à 15 ans, vers une insuffisance rénale chronique. Par contre, chez le sujet âgé, c’est le diabète, l’hypertension, les infections et autres toxiques.


S : La guérison est-elle possible ?


A.L : Il n’y a pas de guérison pour ce qui est de l’insuffisance rénale chronique puisque, comme je l’ai dit, si le rein est détruit, on ne peut pas en guérir. Dans l’insuffisance rénale l’aiguë, oui. Mais nous, on parle de récupération de la fonction rénale. Même si la personne récupère sa fonction rénale, elle doit être suivie régulièrement pendant des années pour confirmer si oui ou non, elle a totalement récupéré.


S : Comment éviter cette maladie?


A.L : Eviter l’insuffisance rénale, c’est éviter le diabète, l’obésité, l’hypertension et les infections. Il faut éviter de prendre les médicaments au hasard. Donc, il faut toujours consulter votre médecin. C’est-à-dire éviter l’automédication et les médicaments de la rue.


S : Quelles sont les conséquences de l’insuffisance rénale ?


A.L : Les conséquences de l’insuffisance rénale sont dépendantes du type et du stade. Il faut éviter qu’elle évolue vers le stade suivant. Parce que, plus on évolue vers le stade suivant, plus on évolue vers la mort. Le handicap dépend du stade. Ce sont les complications qui amènent tout cela. Les complications neurologiques, pulmonaires, digestives, hématologiques sont plus fréquentes.


S : Des conseils à l’endroit de la population ?


A.L : Lorsque quelqu’un a des maux de tête ou des douleurs dans la poitrine, il faut se dire qu’il peut s’agir d’une hypertension artérielle. Qu’ils partent consulter. Lorsque les gens sont obèses, il faut se faire consulter. S’ils ont des œdèmes, les pieds qui enflent, etc. Il faut qu’ils se consultent. Les hypertendus, diabétiques doivent suivre les traitements correctement et faire des contrôles réguliers. Il faut éviter l’automédication et les médicaments de la rue. Lorsque vous faite une infection et que l’on met un traitement, il faut aller jusqu’au bout parce que si vous abandonnez, en ce moment, le risque est peu plus élevé.


Gaspard BAYALA

gaspardbayala87@gmail.com

Publié dans Interview

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N
moi j'ai u une problème urinaire en 2014 j'ai fais l traitements setai fini m 1an après ça se répéter en 2015
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N
moi
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